15ème Congrès international des Archives
James-Sarazin
www.wien2004.ica.org
8
impératif civique et citoyen de tolérance et de libre arbitre. En effet, le public est en droit d'exiger qu'on lui
fournisse les moyens de décrypter l'information, de la comprendre, de l'interpréter, de la faire sienne ; il
revendique le droit d'être acteur, et non plus spectateur, rôle dans lequel on l'a trop longtemps confiné. Le devoir
de mémoire est devenu plus impératif que jamais.
Dans cette optique, on peut se demander si la dénomination actuelle du Musée est toujours pertinente.
Une partie des débats du comité scientifique a porté sur cette question. Le nom est en effet le signal premier de
l'identité d'un musée. Une majorité des membres du comité s'est déclarée favorable à l'idée de conserver le nom
de « musée de l'histoire de France ». En effet, outre l'historicité de cet intitulé, cette formulation apparaît comme
la plus simple et la plus frappante. Elle offre une pertinence certaine avec le contenu projeté du Musée qui veut à
la fois proposer un regard sur l'histoire en tant que récit et sur l'histoire en tant que discipline. musée de
l'histoire de France peut ainsi se lire : « musée de l'histoire de la France » (vision historique) ou : musée de
« l'histoire de France » (vision historiographique et épistémologique).
3.3. Le parcours :
Une unanimité s'est faite au sein du comité scientifique sur la nécessité de fournir au visiteur un cadre
chronologique qui lui fait souvent défaut. L'évolution du cadre spatial dans lequel s'est inscrite l'histoire de la
France doit aussi être pris en compte.
3.3.1. Première section : temps et territoires
TEMPS
PRINCIPE
Le visiteur est entraîné dans un voyage à travers le temps. Au fur et à mesure de sa progression le long
d'une échelle temporelle graduée, des images fixes ou animées s'éclairent puis s'éteignent, des textes
apparaissent et disparaissent, des couleurs palpitent et s'assombrissent, des sons surgissent du silence puis y
retournent, des paroles, des cris, des chants éclatent et meurent, des parfums se répandent et se diluent, pour
évoquer le défilement des siècles.
Il s'agirait d'une frise chronologique entendue au sens le plus classique du terme, semblable aux
tableaux synoptiques des manuels scolaires, mais qui bénéficierait des moyens techniques et scénographiques
modernes. Le visiteur ne devra plus se trouver alors devant la frise conçue comme un aide-mémoire
extérieur, mais devra être projeté à l'intérieur de la frise, prenant conscience symboliquement qu'il est lui-
même à la fois le produit et l'acteur de cette histoire et non un simple spectateur. L'histoire, en tant que
déroulement chronologique, ne consistera plus alors en un effort scolaire de mémorisation de dates, de noms et
de faits, mais en la remémoration, nécessairement elliptique, autant émotive qu'intellectuelle, d'un bien
commun.
N'ayons peur ni du spectaculaire ni du poétique qui participent, eux aussi, au plaisir du retour vers le
passé : devrait-il y avoir nécessairement divorce entre la rigueur des historiens professionnels qu'on peut
qualifier de méthodologique plutôt que d'objective, et la puissance évocatrice de l'affect ? Pour l'enquête
historique, l'objectivité des sciences exactes est impossible. Est-elle d'ailleurs souhaitable ? Le subjectif n'est
compréhensible, peut-être, que par du subjectif, et le reste du parcours montrera justement à quel point le regard
porté sur le passé a pu en saisir des aspects différents pour les restituer selon les plus diverses colorations.
Si le visiteur ne sort pas de cette traversée du temps avec des cadres chronologiques bien définis qu'il
serait utopique de prétendre lui faire assimiler au cours d'une brève visite de musée, il sera du moins mis dans un
état de réceptivité intellectuelle et émotionnelle. Un musée n'est pas un instrument de formation mais un lieu
propre à réveiller les questions, peut-être susciter des vocations, à tout le moins rêver. A défaut d'en ressortir
plus savant, il faudrait toujours en ressortir plus curieux.
Il ne s'agit pas de vouloir transformer le visiteur en historien, mais peut-être de favoriser l'éveil d'une
conscience citoyenne en lui fournissant des clefs d'interprétation. Est-il abusif d'ajouter à la liste de nos
ambitions une dimension éthique ? Il nous semble possible à partir de cette promenade d'inviter le visiteur à
porter un regard critique et apaisé sur son passé, pour pouvoir appréhender avec plus de sérénité les événements
les plus brûlants de l'actualité. Cette démarche «maïeutique» amènera le visiteur à penser par lui-même, pour
prendre en charge et assumer l'héritage de son passé afin de mieux se situer dans la société contemporaine.