15ème Congrès international des Archives
James-Sarazin
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visiteur, même érudit, que Laborde et ses collaborateurs souhaitent s'adresser. À l'image des copies d'antiques
de l'École des Beaux-Arts ou des vestiges du Musée des Monuments français d'Alexandre Lenoir, qui ont nourri
le goût et la main de générations d'artistes et d'écrivains, les collections du Musée des Archives s'imposent
comme une source absolue, à laquelle revient toujours s'abreuver quiconque se pique d'histoire. Elevés au rang
d'icônes du passé national les chroniqueurs de l'époque en appellent unanimement à un « attrayant
pèlerinage » au Musée des Archives , les documents exposés sont arrachés hors du temps et de l'espace, pour
figurer au Panthéon d'une France éternelle. Cependant, loin de répondre aux voeux d'universalisme des
Lumières, le marquis de Laborde ne songe pas un instant à placer ce patrimoine historique sous l'invocation de
l'humanité ; au contraire, son désir, comme celui de ses contemporains et de son successeur Alfred Maury, est de
l'ancrer au plus profond de l'âme nationale. À moins que pour certains esprits de l'époque, l'humanité se soit un
peu vite confondue avec la France !
A ce Musée des Archives, le marquis de Laborde assigne très tôt deux missions essentielles que l'on
retrouve constamment sous sa plume : encourager la science historique et aider au triomphe de la « vérité »
positiviste ; « vulgariser le goût de l'histoire de notre pays».
Répandre le goût de l'histoire de la France répond aussi à un impératif moral et civique. Ce que doit avant tout
affermir le Musée des Archives, c'est moins la connaissance vraie du passé national, que son amour et le respect
qu'on lui doit. Si le choix des documents prêta à cinq longues années de controverses et de joutes verbales entre
archivistes, c'est que, selon la formule du marquis de Laborde, « le goût de la curiosité ne [devait] pas conduire à
la dépréciation de notre France ». L'enjeu était en effet de taille face à la communauté scientifique allemande
dont les méthodes inspiraient largement l'École positiviste française. À travers le Musée des Archives, celle-ci
comptait bien reprendre le dessus et asseoir définitivement la France comme modèle de scientificité et de
civilisation. Cocardier, le Musée des Archives était donc une arme de combat. En recréant le passé selon un
scénario fédérateur, il légitimait un pouvoir qui ne trouvait guère dans l'histoire présente de quoi faire croire en
son avenir et réconciliait la nation française avec elle-même.
3.
Vers un nouveau musée dédié à l'histoire de France aux Archives nationales
En 2000, avec la création d'un département à l'action culturelle et éducative au sein du Centre
historique des Archives nationales, la direction des Archives de France a affirmé sa volonté de voir renaître le
musée de l'histoire de France. L'équipe du Département, aidée par un comité scientifique composé de
personnalités venant d'horizons volontairement divers (entre autres : Maurice Aghulon, professeur au Collège
de France, Pierre Arizzoli-Clémentel, directeur du Musée national du château de Versailles et des Trianons,
Marie-Paule Arnauld, directrice du Centre historique des Archives nationales, Jean-Pierre Babelon, de
l'Institut, ancien directeur du musée de l'histoire de France, Isabelle Balsamo, conservateur en chef du
patrimoine, chargée du domaine Histoire à l'Inspection générale des musées, direction des musées de France,
Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France, Dominique Borne, inspecteur général de l'Éducation
nationale, Jacques-Olivier Boudon, professeur à l'université de Rouen, président de l'Institut Napoléon,
Thomas Compère-Morel, directeur de l'Historial de la Grande Guerre de Péronne, Martine Cornède,
inspectrice générale à la direction des Archives de France, Jacques Derrida, directeur du Collège international
de philosophie, Gérard Ermisse, chef de l'inspection générale de la direction des Archives de France, Max
Gallo, écrivain, Laurent Gervereau, directeur du musée du Cinéma, président du Conseil international des
musées d'histoire, Jean-Marc Léri, directeur du Musée Carnavalet, Francine Mariani-Ducray, directrice des
Musées de France, Georges Mouradian, chef du département des publics à la direction des Archives de France,
Anne Muratori-Philippe, journaliste au Figaro, Pierre Nora, de l'Académie française, Daniel Roche,
professeur au Collège de France, Emmanuel de Roux, journaliste au Monde, Daniel Thoulouze, directeur du
musée des Arts et Métiers, Michel Van-Praët, directeur du département des galeries, Muséum d'histoire
naturelle, président d'ICOM France, Théodore Zeldin, professeur à l'université d'Oxford) a travaillé à
l'élaboration d'un projet scientifique et culturel.
Les palais de Soubise et de Rohan, dont la tutelle scientifique est assurée par le Département à l'action
culturelle et éducative, s'intègrent dans un îlot bâti de trois hectares dont la majeure partie est dévolue aux divers
services des Archives nationales. La délocalisation d'une partie de ces services, décidée par le président de la
République, va libérer à moyen terme d'importantes surfaces. Une étude de programmation a été réalisée par la
société APOR en 2002 pour organiser le redéploiement des services restant sur le site historique. Elle prévoit
l'affectation aux fonctions muséales de locaux actuellement occupés par des dépôts d'archives ou par des
bureaux. Une occasion historique est ainsi offerte au Musée de concevoir une présentation moderne à la hauteur
des attentes du public dans un espace multiplié. La superficie actuelle des salles représente 1373 m2 pour l'hôtel
de Soubise et 500 m2 pour l'hôtel de Rohan ; elle passerait à plus de 4400 m2. Le décor intérieur de ces
bâtiments, tout en étant l'un des principaux attraits du Musée, constitue une contrainte architecturale qui