15ème Congrès international des Archives
James-Sarazin
www.wien2004.ica.org
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Pour un musée des archives : l'exemple français
Ariane James-Sarazin, Paris, Centre historique des Archives nationales
1.
Archives et Musées : un couple contre-nature ?
Bien qu'appartenant à la même sphère patrimoniale, Archives et Musées, en tant qu'institutions
culturelles, semblent procéder de deux logiques distinctes : si le Musée ne puise la justification de son existence
que dans la présentation physique de ses richesses à un public non-professionnel, les Archives peuvent exister
sans celui-ci puisqu'elles ont une utilité fondamentale pour l'administration et la bonne gouvernance. C'est en
cela que la conservation et la transmission des archives sont une des garanties d'un état démocratique, alors que
cette dimension sociale et citoyenne n'apparaît pas immédiatement dans le monde muséal. Au respect des fonds,
devoir de l'archiviste, s'oppose la création de collections, essence même de n'importe quel musée. Si la
séduction visuelle, son étrangeté ou son caractère exceptionnel fondent souvent le premier regard que l'on porte
à une pièce de Musée, le document d'archives frappe d'abord, à quelques exceptions notables (documents
figurés, objets historiques, documents anciens à forte connotation historique, etc.), par sa banalité, sa modestie,
son caractère sériel, répétitif, voire son manque total d'intérêt plastique. C'est pourquoi, si les Archives
n'entretiennent que des liens ténus avec les musées de Beaux Arts, elles semblent entretenir quelque parenté
avec les musées dévolus aux sciences, aux industries, aux métiers. Enfin, si la majorité des pièces de Musée ont
été consciemment produites comme oeuvres d'art, sujettes à un échange commercial immédiat entre leurs
créateurs et leurs acquéreurs, les documents d'archives ont pour la plupart acquis leur valeur patrimoniale a
posteriori et sans préméditation.
2.
Un cas resté isolé : le musée des archives du marquis de Laborde
En 1867 pourtant, un homme, féru d'histoire de l'art et d'archéologie, à l'origine conservateur au
Louvre, le marquis de Laborde, devenu directeur des Archives de l'Empire, tenta de réconcilier la démarche
archivistique naissante avec celle des Musées, autre grande invention du siècle. Son exemple resta à notre
connaissance isolé, même si encore aujourd'hui, des institutions culturelles dédiées au patrimoine écrit, plus
d'ailleurs dans le monde des bibliothèques (British Library, Vienne et bientôt la BnF à Paris) que dans celui des
archives (NARA), présentent au grand public un florilège de trésors, en marge de leurs salles de lecture. Mais
cette dernière formule s'apparente plus à une exposition temporaire qu'à un véritable musée.
Le XIX
e
siècle fut le siècle des Musées et de leur jeunesse, sinon de leur genèse... L'Histoire en tant
que discipline, fut aussi l'une des passions de ce siècle qui n'en manqua point. Au nombre des cathédrales
élevées à la gloire de la curiosité et du génie humains et dont le paysage muséal français est aujourd'hui
l'héritier direct , figurent donc en bonne place celles auxquelles fut imparti le soin d'exalter les destinées
nationales ou plus fréquemment, locales.
A quelques décennies d'intervalle, trois institutions ambitionnèrent de dresser un tableau vivant du
passé national envisagé dans sa globalité, au-delà des ruptures et des accidents de l'Histoire : le Musée historique
de Versailles, inauguré le 10 juin 1837 par Louis-Philippe ; le Musée des Souverains, créé par décret du 15
février 1852 et installé au palais du Louvre ; le Musée des Archives, autrement appelé Musée de paléographie,
de diplomatique et de sigillographie des Archives de l'Empire, inauguré le 19 juillet 1867 et qui revendiqua vers
1938-1939, concurremment aux collections du château de Versailles, le titre tant disputé de « Musée de l'histoire
de France ».
Dédiées « à toutes les gloires de la France » dans un effort d'oecuménisme historique et de rassemblement
national autour de la figure du « roi-citoyen », les Galeries historiques de Versailles tiennent plus du beau livre
de contes en images, que de la somme érudite. Le propos y est essentiellement illustratif ; il s'agit à travers
peintures et sculptures de tenter une reconstitution du passé, du moins de son âme et de son atmosphère. Pour
mettre en scène les événements fondateurs et les personnalités emblématiques du passé national, on passe de
nombreuses commandes (plus de 3000 tableaux) aux artistes vivants, mais on pioche aussi dans les collections
nationales, comme dans la série de portraits des maréchaux commandés par Napoléon I
er
pour les Tuileries et
conservés aux Invalides. L'ancien authentique côtoie l'original moderne, sans hiérarchisation. De fait, l'histoire
de France selon Louis-Philippe s'apparente plus aux récits fantaisistes transmis par la tradition qu'aux
chroniques documentées, en quête de rigueur scientifique des grands historiens du moment, Michelet, Thierry,
Guizot.
Ce nouvel esprit inspire en revanche les fondateurs du Musée des Souverains. Par le recours aux sources et à
l'examen critique, le Musée des Souverains se démarque donc fondamentalement du précédent versaillais, mais
il partage néanmoins avec lui un trait : celui de ne pas être l'émanation d'une collection déjà constituée, mais le
résultat d'un « mitage » de collections extérieures à l'institution même. Cette cohérence entre d'une part, un