15ème Congrès international des Archives
James-Sarazin
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lui tend la commémoration pour plonger dans les profondeurs où se fabrique l'Histoire, dans la mémoire d'un
peuple ou le studiolo de l'historien.
Aborder l'histoire de France par ses mythes, ou, si l'on préfère, par ses clichés, répond donc à une
double nécessité, intellectuelle et matérielle.
Intellectuelle : aller du connu vers le moins connu, accrocher le public par l'image, l'expression ou la
musique immédiatement reconnaissables et ensuite l'amener à se demander comment un telle célébrité se
justifie, quelles circonstances réelles elle recouvre et quelles autres interprétations plus nuancées que l'image
d'Épinal peuvent en rendre compte. N'oublions pas qu'un musée doit se borner à initier et ne peut présenter que
les saillants de notre histoire. Pour l'analyse des continuités, on renverra à la librairie du Musée où l'on a
l'ambition de rassembler un fonds de référence en histoire de France.
Matérielle : ce sont les mythes qui ont fait travailler l'imaginaire populaire et non des faits peut-être
aussi décisifs, mais qui n'ont focalisé l'attention que des spécialistes. Il est inutile de le regretter : un choix a été
opéré par la conscience collective, et seuls les personnages et les faits choisis ont été représentés (images
d'Épinal, sculptures, enseignes, gravures, mouchoirs,...). Aux yeux de l'historien (en principe) dépassionné, les
13 et 15 juillet 1789 ne sont pas moins importants que le 14, mais c'est ce dernier que nous trouverons représenté
et duquel nous partirons, quitte à évoquer la continuité dans laquelle la prise de la Bastille (où n'étaient tout
compte fait enfermés que sept détenus) a été artificiellement découpée.
Il est difficile de consacrer une salle à la colonisation de l'Algérie (cela nécessiterait un musée entier),
mais beaucoup plus facile et attirant pour le visiteur de la consacrer à un épisode révélateur, comme la reddition
d'Abd el-Kader. On sait bien que le sort de l'Algérie ne s'est pas joué là, il s'est joué chaque jour et à chaque
moment, mais on peut partir de cet épisode abondamment représenté (et c'est là le mot clef, car, qu'on le veuille
ou non, nous serons dans un musée de la «représentation»), pour évoquer brièvement les enjeux de la présence
française en Algérie.
Le musée de l'histoire de France ne peut se borner à présenter en vitrines les travaux des historiens, cela
serait d'un ennui mortel : ces ouvrages doivent pouvoir être manipulés, feuilletés et achetés dans la librairie qui
clôt le parcours. Exposer des représentations artistiques et/ou populaires de notre histoire nationale, c'est, bon
gré ou mal gré, faire la part du mythe.
Ainsi, pour l'exposition Abd el-Kader, les moments saillants de son destin ont pu être mis en évidence
par une abondante production d'images et de textes populaires. La bataille de La Sikkak peut être considérée
comme plus déterminante que le confus et absurde engagement de Sidi Brahim. Mais celui-ci a frappé, a été
représenté, commenté et celle-là non. Il nous faut bien partir des matériaux existants et proposer au public un
élargissement et un approfondissement à partir du point de vue initial. De l'enchaînement continuel des
événements, la mémoire a retenu la prise de la Smala (une razzia menée par les Français), la reddition, (une
conséquence non déterminante de la succession d'engagements menés entre 1832 et 1847), une soirée à l'Opéra,
le transfert du corps de l'Emir de Damas à Alger. Il faut, par l'appareil didactique, non seulement relier ces faits
et les recontextualiser, mais expliquer pourquoi ils nous sont mieux parvenus que d'autres. Là réside aussi
l'intérêt d'aborder l'histoire de France par l'image d'Épinal : cette image permet d'évoquer le fait représenté et
les raisons et présupposés de sa représentation.
Typologie des thèmes
Dans cette section consacrée aux diverses mémoires de la France, les catégories suivantes devront être
représentées (nous avons indiqué ci-dessous quelques exemples qui ne prétendent pas, bien entendu, à
l'exhaustivité) :
PERSONNAGES :
«Charlemagne, l'empereur à la barbe fleurie», « la Pucelle d'Orléans », «Le Grand Ferré», «Bayard, le
chevalier sans peur et sans reproche», « Louis XI, l'universelle aragne », « le bon roi Henri IV », « Louis XIV le
roi soleil », « le petit Bara », « Napoléon le grand », Gambetta, Pasteur...
TYPES :
-la maîtresse du roi (Agnès Sorel, Diane de Poitiers, la Montespan, la Maintenon, la Pompadour, la Du
Barry),