15ème Congrès international des Archives
James-Sarazin
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CONTENU
En guise d'introduction à cette plongée dans les siècles, on pourra commencer par quelques réflexions
littéraires ou philosophiques sur le temps, matériau mais aussi cadre de nos vies et de la discipline historique.
Villon, Descartes, Proust, Bergson, Ricoeur (pour s'en tenir au patrimoine national), voire saint Augustin, Hegel,
Husserl, Heidegger... pourraient être mis à contribution, leurs vers ou leurs phrases murmurés ou projetés sur les
parois. L'idée générale pourrait être que le temps présente classiquement en philosophie un double aspect.
Dimension à l'intérieur de laquelle des coordonnées conventionnelles permettent de situer tout fait
datable, le temps est avec l'espace un des cadres des perceptions a priori kantiennes. Il est aussi un flux
bergsonien. Héraclite, selon cette double acception, le compare à un paysage traversé par un fleuve, mais aussi
au fleuve lui-même (« nul ne se baigne deux fois dans le même fleuve »). Le dispositif scénographique devra
refléter cette nature duale : le cadre fixe étant évoqué par l'échelle temporelle et les parois, et le flux par le
déplacement du visiteur.
Dans ce parcours, il ne serait pas utile de s'étendre sur la préhistoire ; seule sera mentionnée l'apparition
de l'écrit qui marque justement l'entrée dans l'histoire.
L'ECHELLE GRADUEE TEMPORELLE
Cette échelle offrirait un cadre objectif intangible, visible sur toute sa longueur, demeurant éclairée en
permanence. Elle ne se composerait que de chiffres, de graduations et d'expressions génériques. Aux simples
divisions arithmétiques du calendrier chiffré (la succession des «dates», le passage symbolique d'un siècle à
l'autre étant mis en valeur), on pourrait ajouter les différents découpages chargés de réminiscences scolaires
(l'Ancien régime, scandé par la succession des «races», elles-mêmes divisées en règnes, puis l'enchaînement des
gouvernements). Apparaîtraient également les essais plus ou moins définis de périodisation (Antiquité, Moyen
Âge, Renaissance, siècle des Lumières, Trente Glorieuses). Il s'agit, tout en fournissant des cadres conceptuels
commodes, de les confronter les uns aux autres pour mettre en question le «naturel» ou l'évidence que ces
divisions gardent encore pour beaucoup.
Les différents découpages proposés par la tradition historique ou les facilités journalistiques n'ont pas la
rigueur d'une métrologie. Leurs chevauchements et leurs hiatus, déroulés au mur en bandes de couleurs
pourraient s'inspirer des tableaux synoptiques des chronologies de manuels pour faire prendre conscience de ce
caractère contingent, révélant en même temps l'utilité et les limites de ces découpages.
Il s'agit en effet d'expliquer au visiteur :
1)
que la conception orientée de notre échelle graduée appartient à l'héritage occidental et est elle-
même un choix culturel. A l'inverse, d'autres civilisations (Grèce antique, Chine, Méso-Amérique) ont
adopté des conceptions cycliques ou entropiques (déclin inéluctable).
2)
que les subdivisions chronologiques traditionnelles (Moyen Âge, Temps modernes, Ancien
régime, Renaissance, Révolution...) sont dictées par des considérations culturelles, idéologiques,
sociales. Le XV
e
siècle est-il l'automne du Moyen Âge ou le printemps des Temps modernes ? La
Révolution se termine-t-elle avec le 9 thermidor (Soboul et l'historiographie marxiste) ou se prolonge-t-
elle jusqu'en 1880 (François Furet) ?
Un intéressant travail de compilation des chronologies, universelles ou spécialisées, pourrait être mené
pour construire cette échelle du temps en conservant les découpages aujourd'hui tombés en désuétude (par
exemple, la succession des «âges» tels qu'ils apparaissent sur un arbre de Jessé ou sur le rouleau d'histoire
universelle du XV
e
siècle conservé dans les collections du Musée). Les différentes graphies et typographies des
manuscrits et des traités anciens ou plus récents, reproduites au long de cette échelle du temps ajouteraient une
dimension historiographique. Des pages de calendriers anciens, d'almanachs royaux ou de décadaires, reproduits
aux endroits congrus rappelleraient que même ce cadre apparemment intangible du temps a connu les aléas de
l'histoire. Les différents débuts de l'année avant 1564 devraient ainsi apparaître au-dessous de la pratique
moderne du changement d'année au 1
er
janvier.
ÉVOCATIONS